Mise sous surveillance renforcée de la centrale de Belleville

13/09/2017 20:08

L'ASN explique avoir été alertée par une hausse du nombre d'incidents significatifs enregistrés à la centrale nucléaire de Belleville-sur-Loire l'an dernier et par une réponse jugée insuffisante de son exploitant EDF.

article paru dans les médias le 13 septembre 2017

JT 19/20 F3 Centre du 14 septembre 2017

video euronews
Note d'information de l'ASN

Liste non exhaustive d’anomalies relevées dans la gestion de la centrale de Belleville.

  • Manque de rigueur dans l’utilisation des outils de traçabilité.
  • Dégradations significatives pouvant affecter le fonctionnement du système d’alimentation.
  • Fonctionnement de l’organisation non satisfaisante.
  • Insuffisance du contrôle technique.
  • Non respect d’exigences réglementaire
  • Constat d’une certaine accoutumance aux anomalies
  • Dysfonctionnements organisationnels.
  1. Fuite constatée en janvier et toujours pas colmatée en décembre.
  2. Absence de plans de montage d’origine.
  3. Non tenue aux séismes de pièces support.
  4. Fuites de vapeur susceptibles d’être radioactives sur un générateur de vapeur.
  5. Absence de validations de réparations planifiées.
  6. Fiches de constat sur une action corrective sans mention des demandes de travaux.
  7. Fuites diverses et nombreuses.
  8. Joints inadaptés en fonction de l’usage recherché.
  9. Matériels électriques en état dégradé.
  10. Etat dégradé de nombreux calorifuges.
  11. Présence de corrosion sur des tuyauteries kérosène.
  12. Absence d’écrous auto-freinés ou inopérants.
  13. Absence de continuité électrique entre deux brides.
  14. Absence de repérage sur des organes de liaison.
  15. Traces de corrosion sur la boulonnerie.
  16. Sur batteries, nombreuses jauges de niveau HS.
  17. Bouchons de batterie ouverts laissant s’évaporer de l’électrolyte et de l’hydrogène.
  18. Bassines de rétention pleines sous des tuyauteries corrodées.
  19. Non respect de plans de montage.
  20. Constat d’une fuite geyser (2 à 3 mm. de diamètre) estimée à 1 litre/minute.
  21. Sur une même conduite constat de 4 colliers de réparation temporaire sans marquage.
  22. Mention de manque d’huile sur un palier pompe en attente de rempliss. depuis 1mois1/2
  23. Mention d’une fuite inexistante sans mention de réparation.
  24. Fissures sur l’aire de dépotage des effluents (infiltrations possibles).
  25. Absence de balisage entre zones contaminées et non contaminées.
  26. Serrure défaillante sur la porte d’accès au local batterie.
  27. Végétation autour et à l’intérieur d’un coffret électrique.
  28. Absence de plomb de scellement sur certaines armoires électriques.
  29. Absence de signalétique sur certains actionneurs d’arrêt automatique réacteur.
  30. Présence d’un thermomètre domestique non conforme aux instruments réglementaires.

 

Communiqué commun du Réseau "Sortir du nucléaire" et de l'association Sortir du nucléaire Berry-Giennois-Puisaye - 20 octobre

Une mise sous surveillance renforcée déclenchée par une dangereuse incurie

Le 13 septembre 2017, l’Autorité de sûreté nucléaire a placé la centrale nucléaire de Belleville sous surveillance renforcée, suite notamment à une inspection menée en avril 2017 (voir le rapport). Sur la base des éléments évoqués dans le rapport d’inspection, le Réseau “Sortir du nucléaire“ et SDN Berry-Giennois-Puisaye portent aujourd’hui plainte pour 46 infractions à la réglementation environnementale et nucléaire.

En effet, de nombreux équipements importants pour la sûreté sont dans un état de délabrement de nature à remettre en question leur fonctionnement, leur usure étant aggravée par un manque d’entretien et des réparations de l’ordre du rafistolage. De plus, en raison de problèmes organisationnels et d’un manque de rigueur et de traçabilité des opérations, la gravité des dysfonctionnements est sous-estimée : certaines demandes de réparation passent tout simplement à la trappe !

Cette situation inacceptable, qui met en danger les travailleurs et les riverains, n’est pas nouvelle : en 2015, le Réseau “Sortir du nucléaire“ avait déjà porté plainte pour une trentaine d’infractions. Comment la centrale peut-elle encore être autorisée à fonctionner dans ces conditions ?

Une situation révélatrice de dysfonctionnements récurrents chez EDF

Si le cas de Belleville est particulièrement grave, il doit alerter sur des phénomènes qui touchent l’ensemble du parc nucléaire, à savoir le vieillissement des installations et une maintenance insuffisante. Cette situation est la conséquence directe de la course à la rentabilité qui règne chez EDF et se traduit par une moindre vigilance, des opérations bâclées et une formation insuffisante des travailleurs.

La multiplication récente des anomalies de « non tenue au séisme » à Belleville et sur de très nombreux réacteurs est un symptôme de ces risques accrus : les équipements concernés sont déjà dans un état si déplorable qu’au-delà des risques en cas de choc, ils constituent dès maintenant une menace pour la sûreté.

N’attendons pas que cette mauvaise gestion débouche sur un accident : il est urgent de mettre en œuvre dès maintenant la sortie du nucléaire !

Consulter la plainte

 

Contacts presse :

Pour le Réseau “Sortir du nucléaire" : Marie Frachisse (juriste) - 07 62 58 01 

Pour SDN Berry-Giennois-Puisaye : Catherine Fumé - 06 62 84 13 88

Chargée de communication réseau SDN : Charlotte Mijeon - 06 64 66 01 23

Pour aller plus loin : décryptage des problèmes relevés par l’Autorité de sûreté nucléaire

De manière générale, l’organisation interne et la circulation des informations au sein de la centrale apparaissent déficientes. Ainsi, comme le signale l’Autorité de sûreté nucléaire dans son rapport d’inspection« les dispositifs organisationnels mis en œuvre pour identifier les écarts ne permettaient pas aux décideurs d’accéder à la connaissance réelle de l’état technique des équipements ». En raison d’un manque de rigueur et de traçabilité, il n’est donc pas possible de connaître en temps réel les effets cumulés des différentes anomalies.

En conséquence de cette mauvaise organisation et d’un mauvais traitement de l’information, de nombreuses demandes de travaux n’ont pas été suivies d’effets et ont été abandonnées alors que les problèmes n’avaient pas été réglés.

Par ailleurs, il apparaît que les travailleurs en charge des travaux ne bénéficient pas toujours d’une formation adéquate leur permettant de comprendre les enjeux et de mener à bien les réparations. Il est fait état de réparations relevant du bricolage et d’une « accoutumance » aux anomalies. On peut en déduire que les travailleurs sont manifestement placés dans une situation où il leur est impossible d’effectuer leur travail correctement.

Ces problèmes organisationnels ont abouti à la dégradation importante de toutes sortes d’équipements, allant parfois jusqu’à remettre en question leur fonctionnement correct ! Citons notamment :

  • Plusieurs fuites d’huile ou de fioul et des jauges d’huile hors service.
  • L’« état de corrosion avancé » de certaines tuyauteries, qui fuyaient déjà au point que les bassines placées en-dessous étaient pleines..
  • Des pompes « manifestement non intègres en fonctionnement normal ».
  • Des fuites de vapeur potentiellement radioactive sur des vannes censées être parfaitement étanches.
  • D’autres fuites sur des pompes et robinets véhiculant des substances chimiques (soude, phosphate).
  • La dégradation alarmante des équipements censés fournir l’alimentation électrique de secours.. L’Autorité de sûreté nucléaire note ainsi « plusieurs dégradations significatives susceptibles d’affecter le fonctionnement du système d’alimentation de secours des générateurs de vapeur, des groupes électrogènes et de la turbine à combustion d’ultime secours ».
  • L’état effrayant de matériels électriques qui « présentaient un état de dégradation de nature à interroger leur capacité à assurer leur fonctionnement de sûreté à long terme. »

À plusieurs reprises, l’ASN évoque la « non-tenue au séisme » des équipements au regard de leur état de dégradation. Mais même en conditions normales, leur fonctionnement apparaît déjà compromis. Pour les associations, cette qualification, qui laisse croire que le risque n’existe qu’en cas d’événement exceptionnel, aboutit à minimiser l’ampleur des risques qui se présentent déjà ici et maintenant.

 

 

BELLEVILLE SUR LOIRE : Mise sous surveillance renforcée