Film "Canon des petites voix – enfants de Tchernobyl, enfants de Fukushima", Saint-Amand-en-Puisaye le 8 avril 2016

29/03/2016 22:16

Pourquoi les enfants ? Quel est ce poison qui ronge leurs corps et que des gouvernants, des scientifiques s’emploient à nier ? Y a-t-il place dans notre vie présente pour une histoire des irradiés racontée par eux-mêmes, pour que l’expérience se transmette et qu'il soit possible de choisir ?

 

Projections du Canon des petites voix (version longue) :

PARIS :
Samedi 19 mars 2016 à 19H en présence de la réalisatrice
À la Maison du Japon Cité Internationale Universitaire de Paris

 

ET AUSSI : À Saint-Amand-en-Puisaye (8 avril), Joigny (24 avril), La Rochelle (29 avril)...

 

Canon des petites voix

enfants de Tchernobyl, enfants de Fukushima, 2015, 116 min.

V.O. sous-titrée en français


Fukushima, après le 11 mars 2011, des mesures d’urgence ont été prises : évacuations forcées dans un rayon de 20 à 30 km autour de la centrale ; évacuation volontaire au-delà selon le taux de contamination au césium. Pour ceux-là, aucune aide n’est prévue, mais les familles ont été informées des risques pour les enfants, les gens ont eu le « choix » : partir ou accepter la situation, faire avec. Quitter ses voisins, ses parents, son conjoint, pour mettre les enfants à l’abri. Moins d’un an après la catastrophe, ils étaient 1 580 000 à être restés, ou revenus, vivre avec une angoisse quotidienne qui se mesure en millisieverts et becquerels.

Dans un temple bouddhique abritant un jardin d’enfants, la vie tourne autour des gestes à accomplir pour éviter l’exposition interne et externe, réduire le taux de radionucléides dans le corps, contrôler chaque aliment, traquer les radiations dans l’air, dans le sol, dosimètre et pelle à la main. C’est une vie presque normale, entre le rire et les larmes. Les mères viennent ici faire « le plein de bonne humeur », elles se partagent les cartons de légumes qui arrivent au temple de tous les coins du Japon, cuisinent ensemble, organisent des vacances pour les enfants, mais elles se sentent trahies par les autorités compétentes et ne se font pas d’illusions sur le suivi médical : pour les sauver, il aurait fallu les évacuer, au lieu de relever jusqu’à 20mSv/an la dose de radiations acceptable en les laissant s’épuiser dans un combat contre l’inconnu. L’avenir des enfants de Fukushima pouvait pourtant se lire dans celui des enfants de Tchernobyl, 25 ans plus tôt : pics du cancer de la thyroïde chez les enfants et les adolescents au bout de 10 à 15 ans, les cancers des adultes continuant de progresser au-delà, alors même que la dose maximale autorisée en Biélorussie est de 1mSv/an.

Les petites voix de ce film se relaient pour dire qu’il faut agir, avant qu’il ne soit trop tard. On entendra le témoignage de l’infatigable Valentina Smolnikova, la colère sourde des femmes de l’ONG japonaise « Un pont pour Tchernobyl », qui, après avoir accueilli les protégés de Valentina, voient maintenant arriver les vagues suivantes d’un désastre programmé.

La réalisatrice Kamanaka Hitomi 

 

Kamanaka Hitomi, née en 1958, a produit son premier long-métrage « Oncle Suecha » en 1990, avant de poursuivre ses études à l’Office national du Film canadien et de travailler comme media activist dans le collectif de vidéastes autonomes Paper Tiger Television de New York. De retour au Japon en 1995, elle réalise des documentaires pour la NHK, heureuse de toucher un large public, jusqu’au jour où elle comprend que le formatage des sujets et le traitement de l’information dans les médias officiels exigent des compromis qu’elle ne peut plus accepter. Ses films suivants, œuvres de longue haleine, seront co-produits par le documentariste Koizumi Shūkichi (Group Gendai, puis BunBun films) ; largement diffusés dans les réseaux militants et relayés en cours de tournage par des « lettres vidéo », ils ont fait de Kamanaka une figure centrale du débat citoyen dans le Japon d’après Tchernobyl et Fukushima.

 

La question nucléaire, elle dit y être arrivée tardivement, lors d’un premier voyage en Irak, en novembre 1998. Partie enquêter sur l’impact sanitaire de l’uranium appauvri utilisé dans la fabrication des flèches d’obus antichars et autres munitions qui ont labouré les champs de bataille et qui continuent – continueront, avec une demi-vie de l'uranium de 4,468 milliards d’années – d’irradier en empoisonnant le sol, l’air, l’eau, elle a rapporté des images d’hôpitaux dépourvus de médicaments, où des enfants meurent de leucémie : huit ans après la guerre du Golfe, les succès du nucléaire militaire se chiffraient d’abord en morts d’enfants, mais ces enfants-là auront été assassinés de surcroît par les sanctions économiques imposées par les vainqueurs. C’est cette accusation explicite, aussitôt suspectée d’antiaméricanisme, qui faillit compromettre la diffusion sur la chaîne nationale d’un documentaire télé traitant, pour la première fois au Japon, de la production massive d’armes radiotoxiques. Et encore, en mettant l’accent sur le sort des victimes, la réalisatrice était loin d’avoir tiré tous les fils qui relient les champs de bataille contaminés au nucléaire civil, à l’industrie électronucléaire qui a accumulé d’énormes quantités de déchets radioactifs encombrants, dont une partie prétendument valorisable reste stockée en attente de débouchés rentables. Des centaines de tonnes d’uranium appauvri, sous-produit de l’enrichissement de l’uranium, et, plus toxique encore, d’uranium de retraitement issu du combustible usé ont ainsi été usinées et déversées sur l’Irak.

 

Il n’y a pas de frontière entre le nucléaire militaire et le nucléaire civil ; pas plus de frontière capable d’arrêter les radiations, qu’elles soient massives ou résiduelles, produites par l’explosion d’une bombe ou par accidents, rejets et déchets accumulés de la filière industrielle. Après avoir filmé les enfants d’Irak et les ravages de la guerre, Kamanaka Hitomi s’est tournée vers le quotidien des gens ordinaires pour y chercher réponse à ses premières questions, loin de la propagande et des disputes idéologiques.

 

En quinze ans, elle a réalisé quatre longs-métrages faits de rencontres avec les voix qui s’élèvent, par-delà les frontières, contre les dénis officiels.

Irradiés (Hibakusha), l’apocalypse – Irak, 2003

Rokkashomura Rhapsody, 2006

Comme l’abeille qui fait tourner la Terre - Iwaishima, 2011

Canon des petites voix – enfants de Tchernobyl, enfants de Fukushima, 2015

 

* * *

Irradiés, l’apocalypse

Irak, Hiroshima-Nagasaki, Hanford États-Unis, 2003, 116 min.

(sous-titrage français en préparation)

 

Bagdad 1998, prologue : la caméra filme des visages d’enfants malades de leucémie, puis se déplace vers les anciens champs de bataille où le dosimètre s’affole. Que les cas de leucémies infantiles soient quatre fois plus nombreux qu’avant la guerre du Golfe ne prouve rien, dit-on, pas de lien de cause à effet scientifiquement établi – mais pendant le tournage une adolescente est morte en laissant une prière adressée à la réalisatrice : « Chère Kama, ne m’oublie pas. »

En souvenir de Racha, commence alors un voyage de quatre ans pour réunir, à travers trois continents et un demi-siècle de poursuite de la guerre nucléaire, une somme d’expériences et de connaissances partagées capables d’ébranler cet édifice de mensonges appuyé sur le secret d’État. Pour nous guider, le Dr Hida Shuntarô, vétéran des irradiés. Le 6 août 1945, parti en consultation à quelques kilomètres de Hiroshima, il n’a pas été directement touché par le souffle de l’explosion qui a détruit l’hôpital où il travaillait, mais il a été contaminé en soignant les brûlés, puis des milliers de malades mourant de ce qu’on croyait être une gigantesque épidémie. Il témoigne que la Commission américaine ABCC installée sur une colline de la ville en vue de collecter des données scientifiques n’a été d’aucun secours pour les victimes, traités comme des cobayes humains. Il lui a fallu 40 ans avant de parvenir à une connaissance certaine des syndromes atypiques dus à la pollution radioactive. Dans tous les cas, les jeunes enfants sont les premiers atteints, ce que confirme un retour au pays de Racha : en 2002, après 12 ans d’embargo, les enfants de Bassora continuent de mourir de leucémie, puis viennent des pathologies inconnues jusqu’alors ; le nombre des cancers a été multiplié par 16.

La même année, le Dr Hida et l’équipe de tournage se rendent dans l’État de Washington, sur le site du complexe nucléaire créé en 1942 pour la production de plutonium qui a servi à fabriquer la bombe larguée sur Nagasaki et s’est poursuivie jusqu’en 1987. Les habitants de la région de Hanford ont intenté un recours collectif, à partir de documents déclassifiés prouvant que dès 1945 le gouvernement était informé de taux de contamination des végétaux et de l’eau 1500 fois supérieurs aux normes de sécurité, et que de surcroît 20 000 enfants avaient été irradiés en 1949 par une expérience de lâcher d’iode radioactive dans l’air. Mais pendant tout ce temps le principal objectif du gouvernement aura été de préparer les prochaines guerres. Patriotisme, raisons économiques : certains préféreront oublier les morts et se replier sur l’orgueil d’approvisionner le monde en frites et viande de fast-food « atomic ». Malgré de multiples témoignages emplis d’humanité, le bilan est sombre. Dans quelques mois, la Coalition envahira l’Irak, déversant sur cette terre 2000 tonnes d’uranium appauvri.

 

Comme l’abeille qui fait tourner la Terre

- Iwaishima, 2011, 116 min.

V.O. sous-titrée en français

Ce film porteur d’espoir a été projeté plus de 700 fois dans l’ensemble du Japon, par des groupes de citoyens de plus en plus nombreux à rejoindre le débat sur la politique énergétique, à s’insurger contre le gaspillage et la privatisation des ressources naturelles, le saccage de l'agriculture et de la pêche par la recherche de profits immédiats.

Nous y voyons comment les habitants d'Iwaishima, une petite île située dans la mer intérieure de Seto à quelque 80 km de Hiroshima, mettent en échec depuis 30 ans la construction du complexe nucléaire de Kaminoseki par la compagnie électrique privée Energia. Ils savent que « tout est lié » : le nucléaire, qu’on leur présente cyniquement comme le seul avenir possible pour une commune dont la moyenne d’âge est maintenant de 75 ans, transformerait les eaux fécondes de la baie de Ta-no-ura en plateforme de remblais et zone de rejets qui détruiraient à jamais une biodiversité exceptionnelle. Ils refusent les dédommagements : « la mer n’est pas à vendre ! » – pas plus que le droit de pêche, le travail de la terre, la récolte des algues dont ils ont vécu et qu’ils veulent transmettre, propres, comme ils les ont reçus.

Aujourd’hui encore ils résistent sans violence, solidaires et joyeux, soudés autour du jeune Yamato Takashi qui réorganise avec eux la production locale pour la vendre hors des réseaux de la grande distribution. Leur prochain objectif : l’autonomie énergétique. Kamanaka Hitomi nous entraîne alors en Suède, dans la première commune auto-suffisante, ou dans un champ d’éoliennes du nord du Japon. Ce ne sont pas des modèles, mais des pièces apportées au débat. L’allégresse communicative de ce documentaire est d’abord un hommage à l’ingéniosité des humains qui, partout dans le monde, s’occupent d’inventer un futur autre que celui qu’on veut leur impose

(Véronique Perrin, pour Tradescantia)

L’association Tradescantia se joint à l’Appel du 26 avril en diffusant le dernier film de Kamanaka Hitomi, consacré à celles et ceux qui s’unissent, là où la catastrophe a eu lieu, pour refaire un monde où les enfants naîtront et vivront.

Du nom de la plante Tradescantia, sensible aux rayonnements et utilisée de ce fait par les chercheurs pour observer la radioactivité environnant les centrales nucléaires japonaises.

Cette association, née de la stupeur face à la catastrophe du 11 mars 2011, revendique, à l’image de la plante, une réaction collective d’alerte à toutes les formes de contamination et risques mortels répandus sur notre planète par les tenants du nucléaire.

Pour plus d'informations, merci de nous contacter aux coordonnées suivantes :

Tradescantia 17, rue Claude Pouillet 75017 Paris France Fax 01 43 80 60 55  E-mail tradescantia17@yahoo.com

https://abeillefr.wordpress.com/contact/

 

Auteur de Little Boy : Récit des jours d’Hiroshima, trad.fr., éd. Quintette, 1984.